La distinction entre le naturel et l’artificiel semble s’estomper progressivement, brouillant ces catégories qui structuraient notre rapport au monde. Cette confusion redéfinit nos interactions avec notre environnement, et façonne de nouvelles constructions conceptuelles. Notre langage et nos comportements s’adaptent subrepticement à ces nouvelles logiques, jusqu’à transformer notre expérience du monde. Ainsi, nous disons sans hésiter « mon téléphone est mort », comme si l’usure d’un objet technique relevait du même ordre que la fin d’un organisme vivant. Ce glissement n’est pas une simple figure de style : il témoigne d’un rapport aux artefacts où la frontière entre l’animé et l’inanimé, entre le vivant et le non-vivant, devient poreuse.

Dès lors, la question de savoir si un agent, par essence, appartient au registre du naturel ou de l’artificiel semble perdre de sa pertinence. Ces catégories se dissolvent dans un enchevêtrement toujours plus complexe, où le biologique et l’électronique, le vivant et le synthétique, se confondent et s’hybrident. Ce n’est donc plus tant l’essence d’un objet qui importe, mais le type de relation que nous entretenons avec lui.

L’œuvre « Un oiseau ? » met en scène cette ambiguïté. Lorsqu’on appuie sur un bouton, un haut-parleur émet le chant d’un oiseau qui n’existe pas, généré artificiellement par un processus algorithmique. Sur l’écran s’affichent un nom commun et un nom scientifique, tous deux inventés. Ces sons et ces noms, bien que dénués de référents dans la nature, existent néanmoins : ils prennent forme dès l’instant où ils sont perçus. Et parce qu’ils sont crédibles, ils peuvent même engager la même expérience sensorielle qu’un véritable chant d’oiseau. L’illusion opère non pas en dépit de leur artificialité, mais précisément grâce à elle.

Ainsi, « Un oiseau ? » ne se contente pas d’imiter le vivant : il en révèle les mécanismes perceptifs, explorant la manière dont notre esprit reconnaît, interprète et investit de sens ce qui lui est donné à entendre. Il questionne ce qui fait qu’un être, ou un son, peut être reconnu comme vivant.
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